Il avait calculé mentalement aussi vite que s’il avait utilisé un boulier ancestral, que chaque dégustant pourrait se servir deux huîtres supplémentaires. Mais l’asiatique voulait que les coquilles bivalves destinées aux personnels soient mises en jeu par les cartes.

• La règle sera très simple. Nous prenons deux huîtres et je distribue à chacun deux cartes. Nous ne les retournerons pas. Puis, nous demanderons à tour de rôle un nombre de cartes qui correspondra au nombre d’huîtres qui complétera notre assiette. Pour donner plus d’attrait à notre jeu dégustatif, si vous le voulez bien nous constituerons une cagnotte d’un billet de mille dobras par carte demandée. Le gagnant de la cagnotte sera celle ou celui qui totalisera comme à la belote le plus de point.
• Et si nous déterminions une couleur atout, suggéra Éric.

Li Yo, mélangea les deux jeux de cartes avec dextérité et en découvrit une. Cet homme avait dû être croupier dans une vie antérieur.

• Ce sera le trèfle comme atout.

Tous les participants se regardèrent et sans hésitation ils mirent leurs mains à leurs poches et déposèrent à côté de leurs assiettes les liasses de billets qu’ils disposaient sur eux.

• Et en cas d’égalité ? s’inquiéta Yi Ze, la femme du Chinois.
• C’est le joueur, qui dans son jeu aura le plus grand nombre d’as qui empochera la tirelire.
• Et s’il y a de nouveau égalité ?
• Ce sera le roi, la dame, le valet et ainsi de suite qui fera la différence.
• [/A la gauche de Li Yo, Yi Ze, en tenue traditionnelle de la dynastie mandchoue des ts’ing, subtilisa deux billets de la pile de dobras de son mari et se servit donc deux huîtres. Son mari lui distribua deux cartes du talon qu’elle posa sur les deux premières cartes reçues.  Suivait, Yunier, le premier secrétaire de la Havane en costume trois pièces dont la couleur rappelait étrangement celle de l’armée d’occupation pacifique quand les Russes laissèrent le champ libre dans l’île anciennement portugaise. Il retira deux billets de mille dobras pour suivre, hésita un instant, puis enchérit avec un sourire de satisfaction d’un autre billet. Il prit donc trois fines de claires et reçu de la chinoise qui avait hérité du talon, trois cartes et passa la main à Loulyana, la femme de l’ambassadeur de Russie. Celle-ci, style matriochkas, évoquant une grâce mièvre et affectée, tourna légèrement la tête vers son époux, qui d’un clignement des yeux l’incitait à accepter le défi. ]