8 mars 2021

Mercredi 19 septembre 1984

Au lever du jour Maximin avait ouvert la fenêtre de sa chambre située au premier étage de la maison de ses parents. Il avait réunis dans un sac à dos quelques affaires, surtout en prévision de l’hiver, des pull-overs, des chaussettes. Quelques ustensiles de cuisine, une cuillère, une fourchette, un couteau, un bol en grès. De l’alimentation, deux Saint-marcellin enveloppés dans du papier d’aluminium, le reste du pain de la journée qu’il enfourna dans la musette en peau de lapin de son père, un cahier à petits carreaux et une carte de la région.

Il avait eu du mal à s’endormir. En fait, il n’avait pas dormi. Chaque minute il repensait à ce Maximin qui malgré les avatars de son périple, le fascinait. Il avait échafaudé minutieusement son départ, avait mémorisé le parcours de sa future vie. Il avait décidé de suivre pas à pas l’itinéraire de son homonyme.

Sa première étape serait Grenoble.

Il jeta le sac par la fenêtre et escala la façade de la maison en s’accrochant à une gouttière verticale. Les deux pieds sur le sol, il enfourcha le sac à dos, avança de quelques mètres, se retourna, regarda la maison qui l’avait vu grandir, scruta une dernière fois les alpages de son enfance et délava pendant près d’une demie heure la vallée. Pensant avoir mis assez de distance entre lui et son jeune passé, il marcha d’un pas résolu vers un avenir qu’il avait souhaité dans la nuit.

Il savait qu’il aurait à parcourir environ soixante-cinq kilomètres. Mais rien ne l’arrêterait, il était décidé plus que jamais. Il avait déjà calculé, qu’à raison de douze kilomètres par jour, il mettrait moins de six jours pour rejoindre Grenoble situé entre les massifs du Vercors, de la Chartreuse et la chaîne de Belledonne. Ensuite sur place il aviserait.

Sa première nuit, il la passa à la belle étoile, à Sainte Luce dont le marbre noir qui forme le socle du tombeau aux Invalides provient de ces carrières.

On était à la mi-septembre et la température était plus que clémente. C’était l’été indien. Il avait parcouru treize kilomètres et malgré les dénivelés, il se sentait à peine fatigué. Il avait choisi Sainte Luce, comme premier arrêt, pour brouiller sa piste, car la petite commune d’à peine vingt habitants, n’était pas sur la route directe pour Grenoble. Cela mettrait au moins un jour d’avance de son côté. Il pensait dans son for intérieur que ses parents feraient tout pour le retrouver.