9 juin 2019

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Son subconscient l’avait mené là. Une semaine avant, Monsieur le Maire de son village, lui avait demandé de réfléchir à l’organisation d’une manifestation pour la Saint Valentin. Il avait alors lancé de but en blanc.

  • Un bal à l’occasion de la fête des grands-mères qui comme au fameux bal des débutantes, nos aînées présenteraient leurs petites filles.
  • Pourquoi ? avait demandé le Maire.
  • Pourquoi pas, avait répondu Jean-Bernard.
  • Qu’elle est votre idée ?
  • Pour l’attrait de la soirée les participants devront s’habiller. Les grands-mères en robes longues et les jeunes accompagnatrices également. Les hommes en costumes sombres et pourquoi pas en smokings.
  • Ce serait super, mais qui osera jouer le jeu. Les femmes sûrement, mais les hommes, la location d’un smoking coûte assez cher, répliqua Monsieur le Maire.
  • A nous de faire en sorte que le coût de location soit le moindre, dit évasivement Jean-Bernard.

Pris au jeu de sa rêverie, son esprit divaguait. Il dansait  une valse en queue de pie, chemise plastronnée, nœud papillon et gants blancs, avec sa tendre et douce cavalière Elayna. Elle portait un diadème sur une chevelure relevée. Ils évoluaient majestueusement, marquant nettement le premier temps, souvent comparé à la montée d’un vaste escalier d’un palais de rêve, de cette danse à trois temps, chantant les charmes de Vienne où l’on se plait à imaginer

la vie sans soucis. Virevoltant avec grâce, ils effleuraient intentionnellement de leurs mouvements, les robes longues des danseuses aux bijoux scintillants et tenant à la main un petit bouquet de roses. Il marcha malencontreusement sur la robe d’un couple en rupture de rythme. Il s’excusa d’un sourire qui le déséquilibra à son tour. Alors qu’ils avaient l’impression de dindailler, un autre couple visiblement mécontent de leur  action les dévisagea. Elayna, mieux placée, surpris une mimique désobligeante de la danseuse. Ne l’entendant pas de la sorte Jean-Bernard comprit ce que Elayna d’un signe des yeux lui indiquait. Au prochain tour de piste, il avait bien l’intention de fixer cette cavalière irascible d’un regard qui exprimerait toute son affliction. Glissant au rythme de la valse, ils approchèrent du couple. D’un mouvement Jean-Bernard se trouva face à une crinière rougeâtre échevelée qui flottait dans le tourbillon, comme une toupie. Il chercha à croiser les yeux de la dame, mais n’y parvient pas, sa trajectoire l’emmenait à contrecoeur à une dizaine de pas du couple. L’orchestre achevait sa partition et entamait dans la foulée d’une nouvelle valse de Johann Strauss.